Pour être compris, le discours doit être simple. Si vous devez recourir à des circonlocutions, à des "que" et des "qui" pour vous faire comprendre, ce n'est pas imparfait tant que vous ne sacrifiez le sens de votre propos, tant que vous restez vous-même. Dans Variété, Montesquieu écrit : "Un homme qui écrit bien n'écrit pas comme on écrit, mais comme il écrit". C'est écrire, autrement dit, comme vous pensez. C'est la liberté de penser en inventant le discours de cette pensée, qui ne souffre d'aucune prison d'aucune sorte. C'est la liberté qui s'éprouve dans l'utilisation d'applications comme ChatGPT. De toujours écrire comme vous pensez. Dans les interactions avec ces intelligences artificielles, les résultats satisfaisants sont obtenus toutes les fois que le sens des invites n'est pas sacrifié. Tant que vous ne faites pas du langage un tyran ( E. Delacroix, Journal de Delacroix, éd. Plon, p.526).

Une manière quelconque de parler

Diderot disait : "une phrase est une manière de parler quelconque". L'accent est mis sur "quelconque". Cet adjectif indique que l'expression de l'idée prime sur l'assemblage des mots qui exprime cette idée. C'est vrai notamment dans les applications comme ChatGPT ou dans les recherches sur Google ou DuckDuckGo. Tout ce qui fait obstacle à la clarté peut nuire à la qualité des résultats escomptés. Cette clarté s'obtient par la simplicité. Ce mot est à prendre ici aux sens donnés par Diderot et D'Alembert dans leur ouvrage Synonymes français (1801) : "La simplicité consiste à montrer ce que l'on est"; "la simplicité tient plus au caractère". Il y a donc bien du personnel dans le mot simplicité. Montrer ce que vous êtes , c'est dévoiler votre pensée. Ce n'est pas une question de rhétorique ou de sens de la formule. Dans les interactions avec les intelligences artificielles, ce qui compte n'est pas de montrer que vous écrivez bien mais de vous faire comprendre par la machine. Car même si "vous écrivez mal", la machine est capable de comprendre la pensée exprimée tant que celle-ci reste une manière de parler quelconque.

Zola comme modèle de langage

Emile Zola me sert d'exemple pour comprendre ce rapport que j'essaie d'établir entre le pouvoir de la littérature et l’interaction avec l'intelligence artificielle. Ou comment une application comme ChatGPT permet de s'affranchir du joug du langage pour libérer tout le potentiel de la pensée. Les descriptions de Zola sont absolument aveuglantes de clarté. Elles permettent de "voir" les scènes à travers le narrateur. Dans ChatGPT Plus (version payante), saisissez cette invite : "image de : salle à manger, très haute, garnie de Gobelins, avec une crédence monumentale, égayée de veilles faïences et de merveilleuses pièce d'argenterie ancienne." (Rougon-Macquart (1880)). Le résultat est impressionnant, car la pensée est dépourvue de toute modestie, qui pourrait faire économie de "égayée de veilles faïences et de merveilleuses pièce d'argenterie ancienne" par brièveté ou par formalisme.

L’art de la description

Albert Einstein disait : « l’imagination est plus grande que le savoir ». Cette pensée fait sens à l’ère de l’intelligence artificielle. L’imagination nous conduit où nos yeux peuvent voir, tant que nous nous libérons des contraintes du langage consacrées à l’école des rigidités. Pour ne pas rester loin derrière la marche du monde, il est nécessaire d’oublier tout ce qu’on a appris jusque-là, y compris dans les manières scolaires d’énoncer nos pensées. Il faut partir de zéro. Il faut oublier la syntaxe et toutes les règles de grammaire, du moins temporairement pour laisser place à votre imagination. Je prône donc une dissociation du fond de la forme. La forme est, je le rappelle, cette manière quelconque d’exprimer sa pensée, qui doit rester libre. L’intelligence artificielle n’a cure de la manière dont nous écrivons. Tant que nous nous mettons pas d’entrave à l’expression de nos pensées, nous restons libres face à ces nouvelles formes d’intelligence. Lesquelles intelligences ne sont que des outils qui, contrairement à un moteur de recherche, livre les informations les plus pertinentes en quelques secondes. Pour tirer pleinement profit de tous ces outils d’intelligence artificielle, il faut moins passer son temps à tailler le crayon qu’à dessiner. Ce qui importe, c’est moins l’art de la composition ou le style, que l’objet du discours ou l’idée. Emile Zola sert d’exemple pour montrer que celui qui écrit doit toujours rester maître du langage. Il ne faut accepter aucun modèle ! Il faut penser comme Socrate (« Tout ce que je sais, c’est que je ne sais rien »), Montaigne (« Que sais-je ? ») ou Bossuet (« Oh ! que nous ne savons rien ! »). Il faut oublier le cadre, le genre et aller au-delà de la ligne. Il faut être inventif dans la pensée, en ce sens que pour l’intelligence artificielle, le vêtement de la pensée ( la forme ) n’est que de la pompe.