C'était hier,
jadis ou naguère,
je ne sais plus
lequel des deux mots
me rapproche de ma mère ou mon père,
des souvenirs de mon enfance
avec mes frère et soeur
dans cette maison
rue Lautréamont.
 
Mes parents, ô mes chers parents,
Vous avez forcé les barrières de l’ignorance
par les livres, le théâtre et le cinéma.
Ma mère possédait la magie
de la calligraphie précieuse,
couchée dans ses  correspondances heureuses.
Son écriture se déployait comme les
ailes d’un papillon dans les rondes des « l »
comme dans un mouvement d’une dentelle en filature.
 
Mon père, dans ses mains d’ouvrier,
travaillait les petites merveilles
du quotidien. Il amassait des connaissances dans les heures
après le labeur. Sous la main, il avait  
Zola dans une collection de prestige,
les auteurs de la littérature française dans des éditions
rares.
 
C'était hier,
jadis ou naguère,
je ne sais plus
lequel des deux mots
me rapproche de ma belle-mère,
des souvenirs des repas de famille
dimanche après-midi
dans cette maison
rue Lautréamont.
 
 
C’était hier,
Je t’ai vue dans cette maison,
qui m’a rappelé Fougères
rue Sermandière.
Je t’ai vue dans le
petit séjour, bien étroit
mais commode.
Tu remontes les époques
que les portraits ont figées.
Le mariage de tes parents est déjà lointoin !
Mais qu’importe le souvenir est impérissable.
Les fleurs sur la photo n’ont pas fané. Le temps
a marqué le bois du cadre mais la mémoire
n’ a pas flanché à l’épreuve du temps, qui dévore tout.
 
c’était jadis,
j’ai entendu tes rires,
qui n’ont pas perdu de leur trésor,
à mes oreilles, qui ont écouté.
J’ai entendu tes silences, qui ont résonné
dans le bruit du café qui coule.
j’ai relu mon nom que tu as écrit « Bagard » pour la première fois,
j’ai retrouvé cette carte de voeux  où tu as mis
tant de bonheur et de tendresse pour ta fille et moi.
J’ai retrouvé ces livres sur le Québec. Tu m’as raconté ton voyage dans cette province avec ta copine Suzanne.
J’ai retrouvé ce livre sur Bono par Bono, que tu as lu avec tant d’engouement.
J’ai retrouvé Joshua Tree et War que nous avons écoutés rue Saint-Gervais dans le bruit du café qui coule.
J’ai retouvé toute ton humanité
dans l’étendue de tes écrits ponctués de bonté.
 
C’était naguère,
Tu nous as dit au revoir
dans un aller sans retour.
Ta voix n’est plus.
Le silence des fleurs muettes
à tes côtés a fait cortège avec le langage de notre chagrin immense :
le temps était morne tout ce jour infini.
ô qu’il fut douloureux et pénible ce voyage !
Tu as descendu les marches vers je ne sais quel pays.
J’espère qu’on t’y fera une grande place
dans ce royaume des gens de chez nous,
 qui ne sont plus là hélas.